25.10.09

"Seuls ceux qui vont mourir savent toucher un homme s'il est vivant." (Jacques Rigaut)



C'est un anniversaire de décès publié dans le carnet du Monde qui m'a mené jusqu'à deux films en ligne sur le Net. L'annonce publiée dans Le Monde concernait le réalisateur Michel Bongiovani disparu il y a dix ans et était accompagnée d'une adresse web à laquelle était visible le premier film, la lucide et émouvante confession d'un homme atteint d'une maladie mortelle, envisageant son mal comme l'aboutissement d'une lente maturation volontaire, une sorte de lent suicide. On songe à la thèse de l'écrivain suisse Fritz Zorn développée dans Mars, son unique livre, où il explique son cancer comme la conséquence d'une éducation anxiogène.

Extrait :

"Je suis jeune et riche et cultivé ; et je suis malheureux, névrosé‚ et seul. Je descends d'une des meilleures familles de la rive droite du lac de Zurich, qu'on appelle aussi la Rive dorée. J'ai eu une éducation bourgeoise et j'ai été sage toute ma vie. Ma famille est passablement dégénérée, c'est pourquoi j'ai sans doute une lourde hérédité et je suis abîmé par mon milieu. Naturellement j'ai aussi le cancer, ce qui va de soi si l'on en juge d'après ce que je viens de dire. Cela dit, la question du cancer se présente d'une double manière : d'une part c'est une maladie du corps, dont il est bien probable que je mourrai prochainement, mais peut-être aussi puis-je la vaincre et survivre ; d'autre part, c'est une maladie de l'âme, dont je ne puis dire qu'une chose : c'est une chance qu'elle se soit enfin déclarée. Je veux dire par là qu'avec ce que j'ai reçu de ma famille au cours de ma peu réjouissante existence, la chose la plus intelligente que j'aie jamais faite, c'est d'attraper le cancer. Je ne veux pas prétendre ainsi que le cancer soit une maladie qui vous apporte beaucoup de joie. Cependant, du fait que la joie n'est pas une des principales caractéristiques de ma vie, une comparaison attentive m'amène à conclure que, depuis que je suis malade, je vais beaucoup mieux qu'autrefois, avant de tomber malade. Cela ne signifie cependant pas que je veuille qualifier ma situation de particulièrement agréable. Je veux dire simplement qu'entre un état particulièrement peu réjouissant et un état simplement peu réjouissant, le second est tout de même préférable au premier."

Le second film était l'écho bouleversant du premier : des extraits d'entretiens avec la comédienne Jeanne Lise Solar réalisés par le frère de Michel Bongiovani. Quelques jours après ces entretiens, la jeune femme mettra fin à ses jours. On regrette que Philippe Sollers ne se soit jamais déplacé pour voir la comédienne sur scène, mais peut-être ne méritait-il pas l'admiration que lui portait cette femme magnifique.

CORPS ROMPU (2003)

3 ANS AVANT SA MORT (LE 21 OCTOBRE 1997), MICHEL BONGIOVANNI RACONTE COMMENT, PAR DÉGOUT DU MONDE, UN INDIVIDU EN VIENT A FABRIQUER SON CANCER ET A PRÉPARER SA DISPARITION. VOIR LE FILM

EMMENEZ MOI DORMIR (2004)

QUELQUES JOURS AVANT SON SUICIDE, JEANNE LISE SOLAR, S’ENGAGE A CORPS PERDU DANS UNE CONVERSATION LUMINEUSE SUR LA PASSION ET LA CRÉATION. VOIR LE FILM